LA CITADELLE : genèse d’une catharsis. Christian Barbarit

Lorsque je suis arrivé en classe de Terminale au lycée, j’ai découvert la philosophie, comme tout le monde. J’ai rapidement demandé à mon professeur, un éminent agrégé, à quoi servait la philosophie. Il m’a répondu : ‘A rien, mais c’est justement ça qui est important’. Je n’imaginais pas alors à quel point cette phrase s’inscrirait en moi, telle une règle de vie tatouée dans mon âme et mon esprit.

 

J’ai gagné ma vie toute mon existence en écrivant, en publiant : des études, des analyses, des rapports, des comptes-rendus, des articles de presse, des discours, toujours dans le domaine économique. Ce que j’ai écrit en quarante années de carrière ne tiendrait sans doute pas dans une armoire. Je suis aujourd'hui libre et sans contraintes et je peux dire qu’à peu près 80 % de ce que j’ai écrit n’a servi à rien, si ce n’est à justifier des facturations, même si j’étais vaniteusement persuadé du contraire. Ce roman est sans doute le seul écrit qui ait une quelconque importance à mes yeux à ce jour parmi mes productions littéraires. Je tenais à m’en expliquer, surtout pas à m’en justifier, ça c’est fini. Les épisodes qui vont suivre sont en chronologie inversée.

 

1er épisode :

 

Pendant des années, j’ai appartenu à une organisation initiatique, que je ne cite jamais, à dessein. J’ai porté les trois ‘Tau’ égyptiens qui indiquaient les signes de ma charge d’’animateur’ pendant quelques années pour une branche parisienne. J’ai quitté cette société occulte, qui n’a rien d’une secte, parce que mon cheminement y était terminé. Pendant toutes ces années, j’ai produit des réflexions que j’ai littéralement ‘recyclées’ dans mon roman sous le vocable parodique d’’homélies’, déclamées par le gourou de la secte. Qu’y a-t-il de plus frustrant que de travailler pendant six mois à un an en recherches, analyses et synthèses pour les présenter à un groupe restreint d’initiés. On n’est du reste même pas sûr de capter leur attention et on ne laisse aucune trace. Il me fallait trouver un moyen de partager ce travail.

 

2ème épisode :

 

Un ami de très longue date qui se reconnaîtra, et qui est resté une ‘âme sœur’, a aussi été une rencontre forte dans mon parcours initiatique. Il était membre du très respectable ‘Order of the Cubic Stone’, une société ésotérique anglaise très fermée (maintenant disparue) qui pratiquait la haute magie. Ce qu’il m’a été donné de voir ne peut pas être livré ouvertement. Son évocation n’est évidemment pas absente de mon roman.

 

3ème épisode :

 

Ma rencontre avec la redoutable secte des ‘Enfants de Dieu’ sur le port de La Rochelle il y a quarante ans. J’ai toujours été fasciné par la capacité d’ordinaires mortels à hypnotiser et galvaniser des foules, que ce soient des dictateurs tels Hitler, Mussolini, César, Napoléon, ou des gourous de sectes tel Ron Hubard le fondateur de la Scientologie. J’ai eu le courage à une époque de lire son ouvrage de référence : ‘La Dianétique’. Cela n’a pas beaucoup plus de fondements que ‘Mein Kampf’. Alors comment Brandt Berg arrivait-il à convaincre des jeunes femmes de rompre tous leurs liens sociaux pour se prostituer afin d’enrichir une secte ? Freud a établi une théorie sur l’emprise mentale de masse basée sur le concept d’identification. Ce concept intéressant ne me semble pas suffisant toutefois et à la hauteur de la décérébration nécessaire à la perte de toute liberté mentale. Souvenons-nous au passage de cette réflexion puissante de Patrik Lelay, ex-Président emblématique de TF1, qui affirmait que la vocation de la télévision était de dégager de l’espace cérébral disponible pour y inscrire des messages publicitaires.

 

 

4ème épisode :

 

Vous n’aurez pas de mal à percevoir la constance de mes références à ce qui est ma bible psychanalytique : ‘Métamorphoses de l’âme et ses symboles’ de Carl Gustav Jung. J’ai mis dix années à lire cet ouvrage qui représente la quintessence de la pensée de Jung. Mais comme il a mis à peu près 25 ans à l’écrire, mon délai n’est pas si exagéré. La convergence entre les mythes antiques et l’inconscient y apparaît comme une quasi évidence à l’étude de ses travaux. Et c’est bien là l’essence même des modestes écrits sur lesquels j’ai transpiré depuis des années. Je suis persuadé que la clef est là. Si vous voulez jouer, retrouvez dans mon roman l’intitulé du symbole présent sur la couverture et demandez-vous pourquoi, il est la clef de lecture, l’Alpha et l’Oméga (j’en dis déjà trop).

Mais soyons réalistes, si je m’étais satisfait de cumuler les homélies du gourou, je n’aurais été susceptible d’intéresser qu’un public très restreint. J’ai donc imaginé un scénario dont l’intensité va crescendo avec deux composantes majeures : le sexe et la violence. Mais ne croyez pas que ce choix soit gratuit et seulement racoleur. Il prend sa source dans la dualité de l’inconscient décrite par Freud : ‘Pulsions de vie’ et ‘Pulsions de mort’, que vous pouvez traduire si vous voulez par dualité bien/mal, Yin/Yan, Dieu/Satan ou tout ce qui vous parlera.

 

Conclusion de la conclusion :

 

Nous sommes le 1er avril 2020 et je viens de terminer la quatrième relecture de ce roman, avec un défi. Parmi les prestations d’un éditeur, il en est une importante : la relecture et correction de l’œuvre avant sa publication. Les cent milles mots qui composent ce modeste ouvrage devraient tendre vers un objectif de qualité optimisée de syntaxe et d’agrément de lecture. Souhaitons que le résultat soit à la hauteur de ma transpiration. Les lecteurs assidus vont avoir raison de ce court roman en quelques heures alors qu’il est le fruit de dix années de mon laborieux travail, au-delà des six derniers mois nécessaires à sa formalisation. Pour me consoler, j’ai réfléchi à l’analogie du chef d’un restaurant qui met un nouveau plat à la carte. Il a sélectionné les ingrédients provenant parfois du monde entier. Il a associé les goûts en travaillant sur les sensations et les émotions qui vont ravir les palais. Il a assemblé le tout dans une œuvre dont l’esthétique est tout aussi importante que les saveurs qu’elle générera. Et pourtant, ce travail créatif et artistique éphémère sera détruit en quelques coups de fourchette par le client gourmand. Je me suis parfois fait cette réflexion en profitant du plaisir gustatif d’une table étoilée. Mais tel le plat d’un grand chef, dupliqué pour de nombreux convives, une œuvre littéraire sera lue par de nombreux lecteurs. La répétition est analogue. Et puis, après tout, si ce n’est pas le cas, c’est que ce n’était pas bon ! Bonne lecture de :

                            'LA CITADELLE' (vivre dans une secte)