La plume magique

Je vous soumets une réflexion personnelle. Etant d'un naturel fainéant, il faut qu'un roman m'accroche dans les dix premières pages, sinon je le referme. Qu'est-ce qui me donne envie de continuer et qui fait que je prends du plaisir à lire ? L'intrigue ? Non, au bout de dix pages, l'intrigue, l'histoire, le thème, ne peuvent qu'être ébauchés. C'est donc autre chose et il se trouve que mon analyse corrobore celle de mon éditeur qui reçoit une centaine de manuscrits par semaine et doit faire un tri extrêmement sévère pour sélectionner les très rares élus qui seront transmis au comité de lecture. Il a donc quelque minutes, après l'accroche du dos pour savoir si l'heureux candidat, qui n'est pas un ex prix Goncourt, pourra figurer dans les rayons. Quel est donc ce critère si discriminant ?
Réponse : la plume. En d'autres termes, la magie des mots, la subtile alchimie qui fait rêver, enchante, transporte et ouvre l'esprit à tous les possibles de l'imaginaire. Nous avons souvent lu dans notre jeunesse les œuvres de Pagnol relatant son enfance (Le château de ma mère, A la gloire de mon père). Quoi de plus ennuyeux que des souvenirs d'enfance dans lesquels il ne se passe rien de spécial ? Sauf que lorsqu'on lit Pagnol, c'est le chaud mistral vient vous caresser les joues, l’odeur de la lavande qui arrive à vos narines et le chant des cigales qui bruisse à vos oreilles.
Pour parler d’œuvres plus contemporaines, qu’y a-t-il de commun entre le style foisonnant, la logorrhée verbale de l’Académicien Patrick Grainville dans ‘Le paradis des orages’ et le style minimaliste et percutant de Marguerite Duras dans ‘L’amant’ ? La plume magique bien sûr, qui ouvre votre esprit et votre cœur, que l’action se situe dans votre environnement ou au bout du monde. Et cela transparaît dans les toutes premières pages.