Sud Vs Amazon : la révolution 2.0

Sud Vs Amazon. Posons-nous les bonnes questions.

 

Amazon a mis en place des mesures jugées exemplaires par ses salariés pour les protéger : masques généralisés, gel, distanciation. Une page facebook y a même été dédiée et les salariés sont solidaires de leur direction.

 

Le syndicat révolutionnaire Sud attaque Amazon en prétendant que la société met en danger la vie de ses salariés en les obligeant à travailler. Au-delà du fait que, je le confirme, travailler n’est pas bon pour la santé (demandez à la Reine d’Angleterre ce qu’elle en pense) les arguments évoqués sur les médias par les délégués syndicaux me semblent particulièrement intéressants. Je cite : ‘On ne va quand même pas risquer notre santé pour expédier des bâtons de rouge à lèvres et des sextoys ; on ne voit pas en quoi ce sont des produits de première nécessité’. Ne voyez surtout aucun sexisme dans les propos de nos chers camarades, ce serait mal intentionné. Moi, j’aurais juste essayé de différencier un peu plus les exemples choisis. En plus des rouges à lèvres et des sextoys, j’aurais ajouté : les packs de Kro, les barbecues, les merguez et les pneus (à faire brûler bien frais devant les grilles des entrepôts). Quoi qu’il en soit, si les dames qui commandent ces articles sur Amazon sont mariées à des syndicalistes Sud, je comprend qu’elles aient plus envie de séduire leurs sextoys avec un beau rouge à lèvres que d’attendre le retour de leur conjoint poing levé (à défaut d’autre chose).

 

Le Tribunal a visiblement été sensible à ces arguments érotico-machistes et a condamné Amazon à ne livrer que des denrées de première nécessité. La Kro et les merguez en font partie bien évidemment, puisque ce sont des produits alimentaires. La société fait appel, affaire à suivre.

 

Il est de bon ton de critiquer Amazon depuis quelques temps. Mais la réussite économique a toujours été suspecte dans notre pays. Il n’y a pas lieu d’accorder des prix d’angélisme mais je voudrais rappeler quelques fondamentaux. Amazon a créé 2000 emplois en France en 2018 et 1800 en 2019. Certes, ce ne sont pas que des emplois d’informaticiens ou d’ingénieurs, mais autant que je sache, il y a des gens sans diplômes qualifiants qui ont peut-être juste besoin de nourrir leur famille dans notre pays ou je me trompe ? Que veut Sud ? Que les 9300 salariés français d’Amazon se retrouvent au chômage ? Super, c’est gagné, ils vont être au chômage partiel et peut-être que des licenciements économiques suivront. Mais rêvons tous mes frères, d’une société idéale où plus personne ne travaillerait et où on serait tous payés par pôle emploi. Où va-t-on trouver l’argent ? A la corne d’abondance de la Banque Centrale Européenne, bien sur. Je ne vois même pas pourquoi on s’embête.

 

Alors, oui, j’aimerais bien qu’on trouve des solutions pour qu’Amazon paye plus d’impôts en France. Il y a des hauts fonctionnaires pour y réfléchir à Bercy, alors on est sauvés. Par contre, je ne pense pas que ce soit du goût de nos chers partenaires européens qui continuent à dérouler le tapis rouge aux Gafas pour s’installer chez eux en low-cost fiscal : Irlande, Hongrie, Pays-Bas, et j’en passe… Comme d’habitude, l’Europe, ce sont les idiots du village qui paient : France et Allemagne, et les autres qui trinquent.

 

Il est aussi de bon ton de dire que le e-commerce, et en particulier Amazon, tue le petit commerce. Qu’en est-il réellement au-delà du discours poujadiste habituel ? Analysons les choses de façon factuelle. Le chiffre d’affaires d’Amazon France est de 4,5 milliards d’euros en 2019. Ce que tout le monde ne sait pas, c’est qu’Amazon est une ‘market-place’ (place de marché en bon vieux français). Ça veut dire quoi concrètement ? Ça veut dire qu’Amazon c’est une plate-forme de e-commerce à disposition des petits commerçants précisément. Elle leur assure la totalité de leur supply-chain (chaîne logistique) : stockage sur option, gestion des commandes, facturation, paiement sécurisé, livraison, relation client. Actuellement, 80 % du chiffre d’affaires de la société est représenté par cette market-place, soit 3,6 milliards de chiffre d’affaires qui est précisément réalisé par des commerçants indépendants. J’ai longtemps, dans ma carrière de conseil, accompagné des commerçants dans leur stratégie e-commerce et je peux vous affirmer que bon nombre d’entre eux n’existeraient même plus sans l’apport de la vente en ligne et plus particulièrement des market-place telles : Amazon, Rakuten, Cdiscount et j’en passe. Je prendrai un seul exemple pour être très clair : Il existe en Dordogne, un petit magasin qui ne vend que du matériel professionnel d’escalade et de spéléologie. Je vous rassure, je ne suis pas concerné, j’ai le vertige. Pensez-vous vraiment que ce type de boutique pourrait vivre dans une commune de quelques centaines d’habitants sans la vente en ligne ? Alors, oui, 90 pour cent de leur chiffre d’affaires est réalisé sur les market-place et plus accessoirement sur leur site privé de e-commerce. Mais pour que ce site propriétaire soit rentable, le commerçant devrait dépenser des centaines de milliers d’euros, qu’il n’a pas, en référencement naturel et e-marketing. Alors oui, je vous confirme, ce petit commerçant et des milliers d’autres, adorent Amazon et ses concurrents. Je tiens aussi à vous rassurer. Amazon ne remplacera jamais Marcel, mon boucher, qui me coupe mon entrecôte de charolaise dont il connaît le prénom et la mère, exactement à l’épaisseur que je lui demande. Amazon ne remplacera pas Bernard, mon boulanger, pour ma baguette chaude dont le croustillant chante en sortant du four à bois. Et Amazon ne remplacera pas mon petit bistro où je trinque (modérément) avec les copains après la pétanque, ni le restaurant étoilé où je célèbre un évènement familial.

 

Alors, en espérant que la révolution n’est pas pour demain, vivement que nous retournions tous au travail, s’il en reste un peu.